La mise en œuvre de leur expression
On arrive ainsi à la « nécessité » d’exprimer, de montrer pour donner sens à ce que l’on veut partager avec autrui. Apriori nous sommes dotés du vocabulaire universel de leur expression et nous disposons d’une grille de « lecture » pour les humains et il se trouve aussi pour les chiens. Ces émotions sont ressenties par les éléments d’un système soit de façon synchrone soit de façon asymétrique. Les émotions sont partagées et ressenties par tous les vivants, ils se différencient par la forme et leur mode d’expression. Sans l’utilisation de cette langue émotionnelle, audible, visible, tactile, gouteuse, touchante, pas de prosodie, pas de phonologie signifiante, pas de dialogues assurant la négociation du sens suivant les circonstances. Sans intonation, pas de mémorisation, pas d’ancrage, pas de validation de nos compréhensions.
Un discours est composé de formes qui répondent à des définitions en voici quelques-unes.
Quelques définitions:
Phonologie : Science qui étudie les sons du langage du point de vue de leur fonction dans le système de communication linguistique. Sans sons pas de communication pourrait-on quasiment affirmer, surtout quand le protagoniste chien ne dispose que de ce sens en priorité pour se mettre en vigilance. Puis le son accompagnant les déroulés de l’activité, va guider celle-ci vers ce que souhaite celui qui commente mais jamais directement. Dans un dialogue de négociation d’intentions. Le son pourra s’accompagner de visuel, de toucher. Mais pas d’olfactif ni de goût, ces deux sens ne rentrant pas dans la cartographie des expressions. On ressent bien une émotion en goûtant mais on ne peut transmettre exprimer un goût, un phéromone pour l’odeur, mais là non plus , on en contrôle pas la production. Par contre par le toucher, le visuel et le son, on peut exprimer volontairement ce que nous ressentons. Le chien idem.
Syntaxique : Ensemble de relations, de combinaisons de signes entre eux. Relatif aux relations entre unités linguistiques, aux règles qui les régissent. La construction de la phrase joue sur sa compréhension et même si le chien n’est pas reconnu comme sensible aux fautes de français ou à une syntaxe « sans règles » identifiables , cela pose le problème de la clarté du message et de sa capacité à transmettre des émotions. L’expression émotionnelle passe par l’aptitude à dire et à le dire de façon significative. La faute de syntaxe crée non pas un malaise mais une perte de sens possible par l’inhibition de l’expression qu’elle peut accompagner. La syntaxe est importante pour l’émetteur et donc la clarté du message.
Lexical : relatif au vocabulaire, au lexique. Constitué de signes qui prennent des formes auditives et audibles leur donnant une identité « standard », des prononciations, ayant une phonétique propre les identifiant dans une « conversation ». Pour le chien la question se pose de savoir comment raccorder un phonème à un sens. le reconnait-il ? La plupart des éducateurs et autres comportementalistes préconisent la répétition, l’utilisation du même phonème pour la même action, et l’utilisation de phrases courtes si ce n’est de mots isolés prononcés de façon injonctive. La répétition accompagnée de renforcement de guidance va créer des automatismes de reconnaissance bien évidemment. Mais c’est dans le processus de mémorisation par apprentissage que l’on doit être vigilant à ne pas user l’outil d’apprentissage et de mémorisation du chien. L’expérience d’apprentissage qui est mutuelle, du maître et du chien, ne doit pas être répétée sous peine d’être mécanisée alors qu’elle n’est pas mécanisable. L’attention, la concentration s’use. La répétition doit se mettre en place suivant des contextes variant et variés. Garder l’unicité du contexte rend cette activité équivalente à des premières fois. La validation du schème ou du mot à mémoriser comme intention à réaliser tel que « monte », « à gauche », « assis » etc. va alors mettre en œuvre le mécanisme d’assimilation. La mémoire de la signification du terme va alors être quasi immédiate. Par contre on n’aura pas « usé » le mécanisme d’apprentissage.
Sémantique : langues considérées du point de vue de la signification; théorie tentant de rendre compte des structures et des phénomènes de la signification dans une langue ou dans le langage.
Étude (et théorie) d'un système de signification quel qu'il soit. Étude générale de la signification des signes conçue comme une relation entre les signes et leurs référents.
Chaque personne possède son dictionnaire de sens de « mots » et de « sons ». Ce dictionnaire, propre à chacun, définit ce qu’est une « traduction » possible qui sera différente en termes utilisés mais identique en signification par le jeu des équivalences propres à chacun, c’est-à-dire définissant le relativité du discours. Le blanc pour l’un n’est pas le blanc pour l’autre, ce qui va impliquer des résultats différents de composition de blanc pour chaque individu alors que le blanc de l’un sera un grisé pour d’autre; je te dis blanc, je vois grisé et toi tu vois beige clair. Pour autant vous demandez du blanc. Ceci est l’approche relative.
L’approche universel part du principe que tout le monde doit avoir la même définition du blanc, c’est-à-dire que tout le monde confronté à un nuancier se doit de reconnaître et citer les couleurs et leur nuance de la même façon.
L’universalité a l’avantage de résoudre l’objectivité de la définition, elle a un défaut c’est qu’elle est un vœu pieux quant à sa réalisation. Elle implique une formation et un calibrage identique de tous les acteurs. Elle est source de conflit de mauvaise foi. Deuxièmement elle ignore le phénomène que pour un même « schème » que ce soit sous forme de son, d’odeur, de forme ou de toucher, ce qui a couleur vanille pour l’un hors déconstruction risque d’être couleur café crème pour l’autre et ceci de façon objective et ancrée c’est-à-dire de bonne foi. Ce qui veut dire que pour que cela soit réaliste et concordant, on doit déconstruire les premières représentations de ce que l’on capte, ce qui n’est possible qu’à partir de la construction d’outils d’équivalence ou de « traduction ».
C’est pour cela qu’Hoffman dans ses observations d’interactions dans des groupes sociaux éphémères ou contextualisés, a observé les temps de latences nécessaires à la définition d’un dictionnaire commun supporté par des micro signes d’alliances et de connivences. D’où la nécessité de prendre en compte ce besoin de latence et de définition pour aller au-delà de la connivence et rentrer dans la rationalité et l’objectivité d’un partage d’intentions commun.
Prosodie : Prononciation correcte et régulière des mots selon l'accent et la quantité des syllabes. Segmentation de la chaîne parlée selon des traits relevant habituellement de la phonématique mais qui affectent des unités plus étendues que le son minimal.
La prosodie est la mise en œuvre de la différence de l’autre. On n’a pas à en imposer une forme. On a à en accepter les formes à partir de la mise au point du dictionnaire commun. On se heurte là souvent aux complexes d’infériorité, à la timidité et au poids du regard des autres qui bâillonnent. La prosodie comme musique de l’expression est chargée d’histoire, d’histoires personnelles, communautaires. Elle fait l’identité et ne doit pas être gommée ou moquée.
Mise en œuvre
Imaginons un chien ayant toujours la queue figée en position haute. Ce que l’on appelle une stéréotypie émotionnelle et que les aficionados des races nordiques pensent être un signe distinctif de race. Ces chiens (Akita, Shiba, husky, samoyède etc.[1]) que les mêmes aficionados et leurs soignants au stéthoscope psychologique et au scalpel lobotomisant définiront avec un petit air de fierté de chien plus originel que d’autres, plus proche du sauvage et du loup d'origine, se trouve être difficilement compréhensible et interprétable pour leurs congénères. Ils sont souvent taxés de dominant. En effet la stéréotypie émotionnelle équivaut à ce que nous ayons le visage figé dans un sourire si ce n'est clownesque tout du moins très inquiétant par sa permanence, le joker en étant la preuve cinématographique.
Cette rigidité de la queue en position haute, retournée ou droite participe à une incommunicabilité avec l’entourage proxémique. Mais elle occulte le fait que cette queue figée et donc stéréotypée est le produit d’une histoire d’apprentissage nourrie par un manque de variété dans les stimulations interactionnelles entre congénères et autres individus, acteurs du partage de territoire. Humains, chats, poules, cafards et j’en passe. Acteurs ayant une palette complète d’expressions émotionnelles et donc partageant le territoire, son occupation dans le respect de la proxémie de chacun, communiquent leur ressenti. Si nous considérons la queue du loup, elle est relâchée, variée, dans ses positions, sa vigueur, son relâchement et ses fréquences d’agitation. Les chiens nordiques ont la capacité d’avoir des queues de loup, c’est-à-dire relâchées. Au cours des balades nous déconstruisons leur stéréotypie expressive. On arrive assez facilement et rapidement à leur en redonner toute la plasticité expressive. Comment ? En exprimant tout la palette des émotions en s’adressant à eux, en les interpellant à partir de tout le panel émotionnel lors de « coordinations » guidées.
La plasticité de nos expressions participent à leur compréhension engendrée par le renforcement de leur signification.
Pourtant lorsqu’on tend l’oreille et que l’on regarde la mise œuvre des expressions « humaines », on assite la plupart du temps à l’émergence d’un brouhaha. L’éructation de sons forme un bruit vide de capacités informationnelles, vide parce que chargé de signes émotionnels paradoxaux, hystérisés ou incohérents dans le contexte et la situation qui y sont vécus. Cette perte sèche de signification de notre communication prend souvent sa source dans notre peur névrotique de ne pas être pris au sérieux, de ne pas être entendu, ce qui inhibe nos expressions émotionnelles.
Le mécanisme de l’inhibition de l’expression émotionnelle a été découvert par Gregory Batteson sous le vocable de « double blind » ou « double contrainte ». Son mécanisme est simple à comprendre et universel. Il se déclenche lors d’épisode de contact entre le bébé et sa mère.
L’exemple archétypal met en scène une mère et son bébé.
Le bébé court et se précipite dans les bras de sa mère ce qui est un geste d’amour pur.
Sa tête qu’il ne maîtrise pas heurte alors le visage de sa mère et le cogne violemment sur le nez. Douleur vive .
La mère crie et repousse son bébé. 1° trahison.
1° contrainte : celle-ci prend la forme chronologique de vécus émotionnels chez les deux protagonistes.
a/ c’est le « je t’aime du bébé à sa mère ». le vécu du bébé qui s’exprime en est : « tu es ma mère, je t’aime, mais tu me repousses ». Trahison. C’est alors que le bébé pleure.
b/ le vécu de la mère est alors de le fâcher parce qu’il lui a fait mal tout en lui reprochant de pleurer. 2° trahison.
« 2° contrainte dont la logique est de la part de la mère, non seulement tu me fais mal mais en plus tu ne m’aimes pas puisque tu cries ».
Le bébé a alors été repoussé deux fois alors qu’il exprimait par un geste d’affection, tout l’amour qu’il voue à sa mère.
Le mécanisme de la double contrainte ou de la communication paradoxale fait que quelle que soit la communication, celle-ci transforme l’interaction en perdant-perdant, frustration vs perte d’estime de soi.
Ce mécanisme répété va permettre la mise en place des inhibitions de l’expression des sentiments et des émotions. Sa logique va amener le protagoniste premier émetteur à réfréner puis inhiber l’expression de ses sentiments ou de ses émotions. « Pas la peine de les exprimer puisque non seulement elles seront mal interprétées mais en plus elles lui seront reprochées ». Finalement, la perte de confiance dans sa communication et l’érosion de son estime de soi en seront les deux produits. On ne se reconnait plus écoutable.
Communiquer : apprendre
Hors pour communiquer ce que l’on ressent, pour envoyer les bons signaux qui détermineront et contextualiseront toute situation, encore faut-il pouvoir exprimer. Il faut pouvoir décrire et signifier ce que représente pour nous ce qui surgit « dans le paysage ». Ceci se fait à travers l’expression de toute la gamme émotionnelle pouvant accompagner cette occurrence, constituée de toutes les nuances et de toute l‘étendue de ses intensités. Ceci dans le but de pouvoir en déduire une coordination mutuelle ou une interpellation utile pour « l’autre ».
D’où la nécessité de s’être constitué une base de données la plus complète possible des expressions émotionnelles humaines, canines et proxémiques du monde dans lequel on est en situation afin de les exprimer et de les lire.
Pour cela il est nécessaire de s’exprimer hors souvent l’humain en est incapable. Exprimer des émotions est l’exercice le plus compliqué qu’il soit à cause de l’exposition que l’on subit aux regards des autres. Au-delà de la timidité, la peur du ridicule, la sensation de l’inutilité de l’expression émotionnelle, cette certitude de ne pas être pris au sérieux bâillonnent plus qu’elles ne rendent pertinent et compréhensible. Hors le chien hors la constitution de ces ponctuations accompagnant le phrasé, ne peut y déceler[2] un sens, tout comme nous d’ailleurs. L’apprentissage à cette grille de lecture en devient ainsi indispensable. D’où l’importance de lui parler de façon variée, en utilisant toutes les subtilités de l’expression de nos émotions, car à partir du ressenti capté sans contresens, non seulement le chien saura nous lire mais il appréhendera le monde extérieur et ses occupants de façon intelligible. La théâtralisation de l’expression est un bon premier pas pour ceux qui n’en ont pas la compétence, la commentarisation des situations sans ou avec renforcements de comportements, est de fait une étape essentielle d’apprentissage mais elle nécessite sa mise en œuvre « immédiate » et continue. Sans prise de parole, pas d’apprentissage. il faut donc se forcer à celle-ci; et en toutes circonstances afin d’habituer le chien aux variations d’humeur, de satisfaction, d’expressions répulsives, de désapprobation etc. Pour cela il faut aussi s’enlever de la tête les croyances véhiculées par les fausses compétences de communication fondées sur la recherche de stéréotypies expressives conditionnant. Les contextes de la commentarisation vont surtout renforcer les validations comportementales, c’est-à-dire les attitudes souhaitées suivant l’environnement, c’est la dimension numéro deux de la coordination ; ex :se tenir tranquille au restaurant. La communication de niveau 1 étant la guidance, c’est chaud, tiède….froid ou noir…gris…blanc, concerne la communication de validation d’intention et d’orientation de l’action puis l’expression de validation de son obtention et enfin d’ancrage de schèmes. .
La communication de niveau 2 étant la communication émotionnelle, c'est elle qui nous permet de construire les représentations communes "chien/humain", tout comme humain/humain.
C’est pour cela que nous préconisons de commenter les expériences du chiot avec des phrases complètes. Tout aussi important en tant qu'apprentissage à l'expression et à la lecture des émotions, raconter des contes, des histoires au chiot comme on en raconte à des enfants permettra de travailler la communication de niveau 3 , c’est-à-dire la communication des sentiments, ceux qui nous lient socialement dans la structure familiale. Cela a le mérite de permettre des expressions émotionnelles qui seront sous couvert d’être jouées, bien plus clairement et significativement exprimées. C’est encore mieux si il en est le héros !!!!
Ces récits introduisent alors la possibilité d’exprimer et d’expliquer le projet de vie dans lequel le chien a sa place ainsi que les humains qui l’adoptent. La communication de niveau 4.
Ces 4 niveaux de communication correspondent aux trois processus de décisions.
PDCA, OODA, ADPP.
Les combinaisons d’émotions illustrent par le ressenti la complexité des sentiments. Prenons par exemple le remord qui est : le tourment moral causé par la conscience d'avoir mal agi ou le sentiment de contrariété, de désagrément éprouvé par la conscience. Ce sont ces combinaisons qui nous ouvrent le champs des questionnements « humains » tel que la conscience, l’éthique, la morale, la prise en charge de l’autre, l’enjeu de nos vies et leur but mais leur produit sont en rapport avec les évènements, des capacités d’adaptation qui elles sont nécessaires et souvent utiles.
[1] ainsi que tous les chiens à implantation de queue haute, (type fox, airedale etc. )
[2] la communication émotionnelle constitue 80% du sens de nos communications.
Les combinaisons d’émotions illustrent par le ressenti la complexité des sentiments. Prenons par exemple le remord qui est : le tourment moral causé par la conscience d'avoir mal agi ou le sentiment de contrariété, de désagrément éprouvé par la conscience. Ce sont ces combinaisons qui nous ouvrent le champs des questionnements « humains » tel que la conscience, l’éthique, la morale, la prise en charge de l’autre, l’enjeu de nos vies et leur but mais leur produit sont en rapport avec les évènements, des capacités d’adaptation qui elles sont nécessaires et souvent utiles.
Plutchik a défini des paires (dyades) qu’ils nomment primaires, secondaires et tertiaires qui se définissent ainsi :
- primaires (combinaisons de deux émotions de base adjacentes)
- secondaires (combinaisons d’émotions de base voisines à une émotion près)
- tertiaires (combinaisons d’émotions de base voisines à deux émotions près)
Exemple :
Paires primaires |
Résultats |
Paires secondaires |
Résultats |
Paires tertiaires |
Résultats |
Joie et confiance |
Amour |
Joie et crainte |
Culpabilité |
Joie et surprise |
Ravissement |
Confiance et peur |
Soumission |
Confiance et surprise |
Curiosité |
Confiance et tristesse |
Sentimentalité |
Peur et surprise |
Crainte |
Peur et tristesse |
Désespoir |
Peur et dégoût |
Honte |
Surprise et tristesse |
Désappointement |
Surprise et dégoût |
Révulsion |
Surprise et colère |
Indignation |
Tristesse et dégoût |
Remords |
Tristesse et colère |
Envie |
Tristesse et anticipation |
Pessimisme |
Dégoût et colère |
Mépris |
Dégoût et anticipation |
Cynisme |
Dégoût et joie |
Morbidité |
Colère et anticipation |
Agressivité |
Colère et joie |
Fierté |
Colère et confiance |
Domination |
Anticipation et joie |
Optimisme |
Anticipation et confiance |
Fatalisme |
Anticipation et peur |
Anxiété |
Source : wikipedia
Hors que nous fait-on faire ? On nous bâillonne, on nous enlève la parole en systématisant la récompense du chien avec des ersatz le marchandisant. Que ce soit sous formes de croquettes ou d’autres friandises ou que ce soit sous formes de ce que l’on assimile à des jeux et qui ne sont que des mises sous dépendances provoquées par des formes désinhibitrices de l’excitation tel que jeu de balles et autres jeux de « chiffon », on affuble alors ces outils et leur utilisation sous forme de récompense symbolisent l’éducation positive. Ceci nous spolie du poids de notre parole au nom de l’injonction à la positivité bienpensante. Qui n’aimerait se transformer en être à tout jamais positif, bon, optimiste, altruiste, en en faisant une mécanique de comportements lobotomisant de l’esprit critique si nécessaire à nos émancipations etc. Se vanter d’être négatif, punitif, malveillant ou pouvoir se réfugier dans la recette miracle du bonheur, du développement personnel et du bien-être collectif libéré de toute revendications, de tout questionnement, de toute interrogation. Réduire l’éducation à la mémorisation et à la mécanisation des comportements comme si ceux d’adaptation se résumaient de fait à une liste élémentaire de stimuli/réponses prête à être utilisée systématiquement, c’est dénier la dimension individuelle du chien, symbiotique avec l’humain et en reconnaître les capacités d’autonomie inhérentes à son essence de chien. La confusion vient du fait que l’on ne reconnait pas l’autonomie du chien au nom d’un principe de « hiérarchie » ontologique, vis-à-vis de l’homme. Il ne pourrait être autonome et toute démarche d’adaptation à son environnement se doit de passer par les fourches caudines de l’analyse de la situation par son « maître ». Comment ? En nous empêchant d’exprimer nos émotions, en les cantonnant dans le spectre unique du plaisir et du déplaisir, alpha et oméga de ce qui dirigeraient nos vies et les comportements qui y sont induits. Se représenter notre compagnon comme un être intéressé, égoïste et vénal en est la conséquence existentielle et thétique immédiate ne laissant aucune place à tout autre possibilité vertueuse nourrissant notre complicité rêvée. Cela s’accompagne d’une non reconnaissance de sa capacité non seulement à lire mais aussi à ressentir les émotions des autres dans leur « sophistication, c’est-à-dire hors du plaisir versus déplaisir ou joie et peur. Il nous est argumenté que le rapport de complicité ne passe que par son conditionnement fruit d’acte d’achat et ne prend sa valeur de réalité qu’à partir du spectacle et de la mise en scène d’obtention de formes et de mouvements stéréotypés mimant « l’affectif ». On voit bien tout le potentiel paradoxal que contient ces définitions des moteurs de la motivation et de l’action de coordination.
Le fait de travailler avec des croquettes ou des récompenses enferme le chien dans un essentialisme de l’intérêt et au-delà organise la trahison ressentie, même inconsciemment, de l’affectif et de l’amour partagé et désintéressé. Toute relation avec un chien s’inscrit dans le mythe de l’amour gratuit, sincère et de la fidélité tel celui d’Argos mourant au pied d’Ulysse qui déguisé en mendiant se présentant à Ithaque ne trompa pas son chien. Le drogué en manque montre sa sujétion à son dealer et les « offrandes vénales » qu’il lui fait démontre sa soumission. Son attachement est le fruit d’un leurre. La soumission à sa dépendance. La supplication signe de subordination singe l’affection et font du maître un pervers dominant et maltraitant jouissant de cet abandon d’autonomie, de libre arbitre et d’initiative, faisant du chien un objet sans sujet. Et réciproquement fait de l’homme un bipède sans conscience amoureux d’images, idolâtre et fétichiste du paraître.
DIMANCHE, 10H, FORÊT DES MIMOSAS, BD LOUIS LIGNON, ON RÉVISERA OU REVISSERA ET RESPIRERA.